Présentation

"Lire c'est guérir"

C'est aussi grandir, aimer, partager.

Nous avons déjà corné des pages, ou pris en note une citation... puis nous les avons perdues, oubliées.

Ce blog a pour vocation de jouer aux marque-pages, de retrouver le passage qui nous avait ému, touché, interrogé.

Parce que chaque lecture est un chemin vers soi-même, parce qu'une phrase bien choisie a parfois plus d'impact qu'un long argumentaire.

mercredi 29 mai 2013

L'Espèce fabulatrice, Nancy Huston (Actes Sud 2008)

p.132
“Quand on maintient les gens, année après année, dans un univers de laideur et de contrainte, de misère et d’humiliation, on ne peut s’attendre à trouver en eux des interlocuteurs ouverts et souriants, à la parole
nuancée. En se contentant de renforcer indéfiniment le dispositif sécuritaire autour des “fauteurs de
troubles”, l’on rend en fait ceux-ci de plus en plus dangereux car de plus en plus primitifs.
A travers la guerre, notre nous se consolide face aux différents eux en balisant ses territoires, en les
étendant, en s’en appropriant d’autres, pour un plus de puissance, un plus d’existence.”

p. 139
“ Oui, cette magie [de l’amour] est effective. Peu importe qu’elle soit aussi, le plus souvent, éphémère.
S’ensuivent en effet presque toujours, comme l’a raconté Barthes dans ses Fragments d’un discours
amoureux
, des déconvenues multiples. Mais ce n’est pas, ainsi qu’on le dit souvent: confrontées à la réalité,
les images en prennent un coup. C’est: confrontées aux fictions de l’autre, les miennes en prennent un
coup.”

p.140
“Tous, nous embarquons dans nos histoires d’amour avec mille fictions en tête (...)”
“Nos manières d’aimer dépendent étroitement des histoires d’amour auxquelles nous avons accès.
Là où l’on interdit la circulation des textes parlant des différentes formes d’amour (courtois, érotique, fou), on ôte aussi aux individus la possibilité de vivre ces amours.”

p.172
“A cet instant précis quand elle perçoit la ressemblance entre un personnage de Dickens et sa propre
mère, et décide pour cette raison de continuer à écouter celle-ci Mathilda montre qu’elle a compris l’art du
roman.
C’est cela: les personnages des romans, à l’instar de ceux des récits religieux mais de façon bien plus
complexe, nous fournissent des modèles et des anti-modèles de comportement. Ils nous donnent de la distance précieuse par rapport aux êtres qui nous entourent, et plus important encore par rapport à nous-mêmes. Ils nous aident à comprendre que nos vies sont des fictions et que, du coup, nous avons le pouvoir d’y intervenir, d’en modifier le cours.”

p.177
Ils jetèrent les livres par terre, les piétinant et les déchirant sous mes yeux. (...) Et je leur dis de ne pas les déchirer car une multitude de livres n’est jamais dangereuse, mais un seul livre est dangereux; et je leur dis de ne pas les déchirer car la lecture de nombreux livres mène à la sagesse et la lecture d’un seul à l’ignorance armée de folie et de haine.” (Danilo Kis)

p.179
"Les fictions volontaires (histoires) d'un peuple donnent, mieux que leurs fictions involontaires (Histoire), accès à la réalité de ce peuple.
Comme le terrorisme n'est ni plus ni moins que le résultat de mauvaises fictions, ce que nos gouvernements devraient faire, au lieu de fabriquer toujours plus d'armements, c'est dans les pays où il sévit, favoriser l'éducation, et promouvoir par tous les moyens possibles la traduction, la publication et la distribution des chefs-d’œuvre de la littérature mondiale."

p.180
"Plus on se croit réaliste, plus on ignore ou rejette la littérature comme un luxe auquel on n'a pas droit, ou comme une distraction pour laquelle on est trop occupé, plus on est susceptible de glisser vers (...) la véhémence, la violence, la criminalité, l'oppression de ses proches, des femmes, des faibles, voire de tout un peuple."

p.186
“C’est parce que l’humanité est gorgée de fictions involontaires ou pauvres qu’il importe d’inventer des
fictions volontaires et riches.”

                                                                                                        Choix d'A.L. Boistard

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